samedi 31 janvier 2015

Terre des oublis - Duong Thu Huong

Par Daphné



Grand prix des lectrices de Elle 2007
Auteur : Duong Thu Huong
Titre : Terre des oublis
Genre : roman
Langue d’origine : vietnamien
Traducteur : Huy Duong Phan
Editeur : Sabine Wespieser
Nombre de pages : 700




Résumé de l'éditeur:

Alors qu'elle rentre d'une journée en forêt, Miên, une jeune femme vietnamienne, se heurte à un attroupement : l'homme qu'elle avait épousé quatorze ans auparavant et qu'on croyait mort en héros est revenu. Entre-temps Miên s'est remariée avec un riche propriétaire terrien, Hoan, qu'elle aime et avec qui elle a un enfant. Mais Bôn, le vétéran communiste, réclame sa femme. Sous la pression de la communauté, Miên retourne vivre avec son premier mari. Au fil d'une narration éblouissante, l'auteur plonge dans le passé de ces trois personnages, victimes d'une société pétrie de principes moraux et politiques, tout en évoquant avec bonheur la vie quotidienne de son pays, ses sons, ses odeurs, ses couleurs... Terre des oublis, roman de l'après-guerre du Viêt-Nam, est un livre magistral.


Mon avis:

Ce livre est l'un des grands coups de cœur d'Ariane, ma co-blogueuse. C'est sur ses conseils que je l'ai lu et...je ne peux que l'en remercier!

J'ai effectivement passé un excellent moment à lire ce livre. J'ai beaucoup apprécié l'écriture. Les descriptions sont magnifiques, on se croirait réellement au Viêt-Nam. Je me suis totalement immergée dans l'histoire, imaginant chaque endroit, sentant presque sur le bout de ma langue la saveur des plats et surtout ressentant toute la tristesse et le mal-être des personnages. J'ai en effet eu beaucoup de peine pour ces personnages, victimes de leur époque, l'après-guerre vietnamienne, et des valeurs de leur société. Personnages tous trois  pris au piège de cet horrible choix. Choix qui, dans notre culture occidentale, n'aurait sans doute pas eu lieu d'être, mais qui prend tant d'importance ici. 

Ce livre m'a amenée à m'interroger sur certaines différences entre la culture occidentale et la culture vietnamienne (culture que je connais très peu et que ce livre m'a un peu permis de découvrir). Je me suis notamment interrogée sur la question de l'honneur, sur les différentes représentations que l'on s'en fait, selon le pays d'où l'on vient. 

J'ai aimé découvrir, à travers cette belle histoire, le Viêt-Nam, ses coutumes, ses paysages si bien décrits que l'on croirait presque regarder une photographie. J'y ai aussi découvert des détails horribles sur la guerre et les marques, tout aussi horribles, qu'elle a laissé derrière elle. 

Les chapitres alternent les points de vue des trois personnages, leur présent, leur passé, leurs ressentis. Leur souffrance est poignante et je me suis attachée à chacun d'entre eux. J'ai notamment éprouvé beaucoup de peine pour Bôn, héros bien malgré lui d'une guerre qui a détruit sa vie.

Certains passages m'ont particulièrement touchée, me laissant un goût amer dans la bouche. D'autres m'ont laissée rêveuse.

Une très belle lecture et un grand merci à Ariane pour me l'avoir fait découvrir.


Extrait:

"C'est peut-être grâce à ceux qui ont un regard et des sentiments différents des nôtres sur la réalité que nous avons la chance de nous remettre en question, de sonder les zones obscures au tréfonds de notre âme, que nous ne voyons jamais tant que nous vivons au milieu des gens qui nous ressemblent."

Lu dans le cadre du challenge "petit bac 2015" (catégorie "lieu")


This is not a love song - Jean-Philippe Blondel

Par Ariane


Auteur : Jean-Philippe Blondel
Titre : This is not a love song
Genre : roman
Langue d’origine : français
Editeur : Robert Laffont
Nombre de pages :
Date de parution : août 2007

Présentation de l’éditeur : 
Ceci n’est pas une chanson d’amour… mais un roman engagé, à la beauté sombre et trouble. Comme si l’auteur de Juke-Box était passé de la ballade au rock.
Dans ses années de jeunesse, la « loose » lui collait à la peau. Aujourd’hui Vincent a le vent en poupe et la quarantaine conquérante : marié à une fille de la grande bourgeoisie britannique, père de deux enfants, il dirige à Londres une chaîne de restauration en plein essor. Pour cela il a dû fuir : la France et sa petite classe moyenne engourdie, ses parents et leur pavillon « qui craint », son frère et sa vie étriquée – et Étienne, son meilleur ami, son double inversé, dont il n’a plus jamais pris de nouvelles. Étienne qui a suivi le chemin opposé – Étienne qui est devenu SDF. Mais cela, Vincent l’ignore. Jusqu’à ce mois de juillet où il revient dans sa ville natale. Et se prend en pleine tête ses certitudes d’homme qui a « réussi » sans un regard pour ceux qu’il laissait derrière lui…

Une histoire de fraternité dérangeante, à la noirceur vénéneuse, comme une claque aux petits arrangements avec notre conscience. Plus âpre, plus grinçant, plus violent, très différent de ce à quoi il nous avait habitués, le sixième roman de Jean-Philippe Blondel étonne, détonne. Et séduit.
 

Mon avis:
Premier ouvrage de Jean-Philippe Blondel que je lis et je suis conquise.
Revenir chez ses parents en vacances est une expérience particulière. On n’est pas tout à fait un invité mais on n’est plus chez soi non plus. Tout est pareil, mais tout a changé, on n’est plus l’enfant de ses parents mais un adulte. Et pourtant quelle nostalgie devant cette vieille chambre, ces anciennes affaires, les posters au mur, les vêtements abandonnés dans l’armoire. On a envie de revenir à une époque d’insouciance, une époque où tout restait à faire. On a envie de remettre une ancienne peau, dont on sait qu’elle est désormais trop étroite. Je m’égare un peu là ! 
J’ai donc beaucoup aimé cet aspect du récit, cet homme qui revient dans son ancienne vie qui lui semble désormais si lointaine qu’il s’y sent étranger.
Toutefois, on ne peut pas dire que ce personnage soit particulièrement sympathique. Il a quitté sa petite ville en looser, gamin immature de 27 ans sans diplôme passant de petit boulot en petit boulot. Il revient en homme d’affaire accompli. Vincent pose un regard acide et méprisant sur ses proches, famille ou amis. Il se montre sans concessions envers ses parents « prévisibles », son frère « très con », sa belle-sœur « petite bourgeoise », ses anciens amis avec qui la soirée est « un enfer ».
Sa femme et ses filles lui manquent, il ne cesse de se le répéter. Pourtant ce n’est pas seulement leurs présences qui lui manquent, mais également l’image qu’elles donnent de lui. Il y a chez lui le côté prétentieux du self-made-man obsédé par l’argent, la réussite professionnelle et le paraître. Il y a donc chez lui certains traits de caractère particulièrement agaçants. 
Mais en même temps, je n'ai pu m'empêcher de la sympathie. Pour le jeune homme un peu marginal qui se cherche. Pour l'homme qui s'est un peu perdu.  
J'ai bien aimé les personnages. Des êtres si ordinaires que l'on a l'impression de les reconnaître, ils nous rappellent une copine, un cousin, une mère... Nous même ? Les lieux aussi, le petit pavillon, l'appartement avec tous ces meubles suédois, le petit traiteur chinois du coin de la rue. Ce roman est par moments profondément ancré dans le quotidien.
Et le destin de l'ami perdu de vue est malheureusement aussi un évènement trop banal. Comme Vincent on se demande ce que sont devenus ces amis perdus de vue. Ceux dont nous étions si proches que rien ne semblait pouvoir changer cette amitié, dont nous pensions qu'ils seraient toujours dans notre vie. 
J’ai adoré le déroulement de l’histoire, la façon dont le retour de Vincent va remuer le passé. L’écriture de l’auteur est également très agréable à lire, on s’y laisse prendre avec beaucoup de facilité.
Une première découverte très réussie. 

Extrait : 
C’était ça, le plus agaçant, chez mon frère. C’était ça aussi le plus rassurant. Et, paradoxalement, le plus attendrissant. Ce manque de confiance en lui qui le poussait à tenter de tout prévoir. Qui le poussait donc invariablement à se planter, parce que personne ne rentrait exactement dans ses schémas. Il y avait toujours un grain de sable dans les rouages et tout l’édifice s’écroulait. Ensuite, il lui fallait beaucoup de temps pour tout reconstruire, brique après brique, planche après planche.

Lu dans le cadre du challenge petit bac organisé par Enna (catégorie musique)


vendredi 30 janvier 2015

Le caveau de famille - Katarina Mazetti

Par Daphné:


Auteur : Katarina Mazetti
Titre : Le caveau de famille
Genre : roman
Langue d’origine : suédois
Traducteur : Lena Grumbach
Éditeur : Babel
Nombre de pages : 260
Date de parution : 2005



Résumé de l'éditeur:

Désirée la bibliothécaire et Benny le paysan se sont rencontrés dans "Le Mec de la tombe d'à côté". Elle dévore les livres et les produits bio, il élève des vaches et rêve d'une campagne qui l'aiderait à la ferme. Leur passion soudaine et incongrue ne pouvait qu'aller droit dans le mur, et pourtant... incapables de se passer l'un de l'autre, mais souffrant de leur relation explosive, ils s'inventent un ultimatum : ils s'accordent trois tentatives pour faire un enfant. Si ça ne marche pas, c'est terminé pour toujours. Sinon...


Mon avis:

"Le caveau de famille" est la suite du célèbre "Le mec de la tombe d'à côté"...que je n'ai pas lu! en effet, j'ai trouvé "Le caveau de famille" au pied de mon sapin le mois dernier, offert par un père noël persuadé -à tort!- de m'avoir déjà livré le premier tome l'année précédente! J'ai donc commencé par le deuxième tome ce qui me paraît être une bonne idée: en effet, il semblerait que beaucoup de personnes aient trouvé cette suite décevante comparée au premier tome. Comme je n'ai pas lu celui ci, cela n'a pas été mon cas! Et j'ai donc pu pleinement apprécié de roman!

J'ai en effet savouré ce livre avec beaucoup de plaisir! Je me suis reconnue dans le personnage de Désirée face à de nombreuses situations...situations qui ne sont pas des plus confortables mais qui sont décrites ici avec tant d'humour que j'ai ri en me moquant de moi même...et de mon conjoint! Je me suis dit à plusieurs reprises que j'aurais pu moi même écrire certaines scènes, notamment celles concernant l'allaitement, l'un des accouchements de Désirée et le bébé qui a tant de mal à dormir (petit clin d’œil à ma deuxième fille!)

La vie de couple face au quotidien, aux incompréhensions mais aussi aux petits moments de  bonheurs est dépeinte avec humour mais également avec beaucoup d'observation. Cependant,  au fil des pages, le ton devient de plus en plus cynique, la vie des personnages de plus en plus sombres. Ce sont les mauvais aspects de la vie de famille et du couple qui prennent le pas sur tout le reste. Comment concilier une si grande différence entre deux personnes? Comment se réaliser sans porter atteinte à l'autre? Comment entretenir l'amour malgré tous les tracas du quotidien? Comment ne pas oublier son couple après la naissance des enfants? Autant de questions se posent ici.

D'après ce que j'ai pu lire, beaucoup y ont vu une vision très pessimiste de la vie de famille. Ce n'est pas mon avis. Pour ma part, j'y ai vu davantage une manière de dédramatiser avec humour ce qui semble insurmontable dans la vie de tous les jours! Seule la fin m'a paru un peu négative mais là encore, il y a deux manières de la voir...avec humour ou non! Cette dernière scène m'est quelque peu familière (quelle mère de famille n'en a pas vécu de semblable?) et il est vrai que sur le moment, elle est vécue avec pessimisme...mais comment ne pas sourire ensuite en y repensant?

De plus, j'ai bien aimé la manière dont le livre est écrit, chaque chapitre alternant les points de vue de Benny et de Désirée, ce qui nous permet d'autant plus de voir à quel poitn leur maière de penser est différente. Les chapitres ont courts, l'écriture simple. Un livre qui se lit vite et très facilement.

J'ai donc passé un très bon moment à lire ce livre. Je n'ai maintenant plus qu'à partir à la recherche du premier tome!

Extrait:

"Bref: il n'y a rien de plus stressant qu'être parents d'enfants en bas âge. Si, peut être travailler dans la tour de contrôle d'un aéroport international. Avec du brouillard et l'espace aérien rempli de jumbo-jets. Mais même les aiguilleurs du ciel rentrent chez eux prendre du repos pendant quelques heures.
On ne sait pas cela quand on se décide à avoir des enfants et  tant mieux; Parce qu'on ne sait pas non plus qu'on est capable d'un tel amour inouï, on n'y est pas préparé. Subitement, grâce à eux, la vie prend toutes ses dimensions."


Lu dans le cadre du challenge "petit bac 2015" (catégorie "mort")




jeudi 29 janvier 2015

Les yeux dans les arbes - Barbara Kingsolver

Par Ariane



Auteur : Barbara Kingsolver
Titre : Les yeux dans les arbres
Genre : roman
Langue d’origine : américain
Traducteur : Guillemette Belleteste
Editeur : Rivages
Nombre de pages : 660p
Date de parution : 1998







Présentation de l’éditeur : 
Nathan Price, pasteur baptiste américain au fanatisme redoutable, part en mission au Congo belge en 1959 avec sa femme et ses quatre filles. Ils arrivent de Géorgie dans un pays qui rêve d'autonomie, et de libertés. Tour à tour, la mère et les quatre filles racontent la ruine tragique de leur famille qui, même avec sa bonne volonté et ses croyances de fer, ne résiste à rien, ni à la détresse, ni aux fourmis, ni aux orages... ni aux Saintes Écritures.  
Après L'Arbre aux haricots et Les Cochons au paradis, Barbara Kingsolver a écrit son roman le plus ambitieux, un roman qui prend sa place dans la littérature postcoloniale.

Mon avis : 
J’ai lu ce roman sur les conseils de Daphné ma co-blogueuse. Ce roman est son chouchou, celui vers lequel elle revient régulièrement. J’imagine que la plupart des lecteurs en ont un, voire plusieurs. Un livre dans lequel on aime se replonger avec délice, des personnages que l’on retrouve comme des amis, des lieux familiers où l’on se sent bien, des dialogues et une histoire que l’on connaît par cœur mais qui à chaque fois nous révèlent de nouveaux aspects.
J’ai déjà parlé du mien, Des souris et des hommes de John Steinbeck et je suis contente d’avoir découvert celui de Daphné. Pensez-vous que le livre chouchou d’une personne en dit long sur elle ? 
J’ai donc découvert un roman riche et foisonnant, une histoire profonde et émouvante, des personnages soient très attachants soient profondément antipathiques mais qui ne laissent jamais indifférent.
Chaque chapitre est consacré à l’un des personnages féminins de la famille, le père n’apparaissant qu’à travers leurs discours. Toutes s’expriment donc à tour de rôle, le récit débutant en 1959 lors de l’installation de la famille au Congo et s’achevant au cours des années 1980. Tout au long de cette période, à travers les témoignages et la vie de cette famille, c’est l’histoire récente du Congo que nous raconte l’auteur. Une histoire faite d’espoirs et de déchirements, de violences et de résistance.Le Congo qui ressort merveilleusement vivant sous la plume de l'auteur.
Concernant les personnages j’ai un faible pour la mère Orleanna. C’est une femme très complexe, certains la trouveront lâche, mais en même temps elle fait preuve d’un courage à toute épreuve. Lâche car à aucun moment elle ne s’oppose à la folie de son mari, alors que plusieurs fois elle aurait pu, elle aurait du faire un choix. Mais elle porte sa famille à bout de bras, elle tente de maintenir une certaine cohésion familiale, une certaine normalité dans le quotidien chamboulé par cette installation en Afrique et lorsque enfin elle fera un choix elle l’assumera jusqu’au bout et ne renoncera jamais.
Le personnage de Nathan Price le père est insupportable. Ce mari, ce père qui à aucun moment ne fait preuve de sensibilité ou d’affection pour sa famille, n’hésitant pas à mettre leurs vies en péril au non d’un idéal dont tout le monde à part lui n’a que faire. C’est un fanatique religieux de la pire espèce. Il est perdu dans sa folie et entraîne sa famille avec lui.
Mais plus encore que Nathan, c’est la fille aîné Rachel que j’ai trouvé le plus détestable. Adolescente superficielle, égocentrique et hautaine elle avait alors l’excuse de la jeunesse. Devenue adulte c’est une femme manipulatrice, totalement dénuée d’empathie, raciste, arriviste, matérialiste, stupide… J’avais vraiment du mal avec les chapitres qui lui étaient consacrés.
J’ai beaucoup aimé ce roman chorale et je pense que je lirai d’autres romans de l’auteur. Merci Daphné ! 

Extrait : 
"Je contemplais le bout de la clairière derrière nous, là où la jungle nous excluait de sa grande muraille d’arbres verts, de cris d’oiseaux, de respirations d’animaux, tout cela aussi permanent que le battement de cœur que nous entendions en plein sommeil. Autour de nous s’élevait une épaisse masse d’arbres et de hautes herbes, humide, vivante, qui s’étendait sur tout le Congo. Et nous, nous n’étions que d’infimes souris qui la traversaient en se trémoussant le long de leurs obscurs petits sentiers."

Lu dans le cadre du chanllenge un pavé par mois organisé par Bianca