vendredi 12 juin 2015

Les héritiers de la mine - Jocelyne Saucier

Par Daphné


Auteur :Jocelyne Saucier
Titre : Les héritiers de la mine
Genre : roman
Langue d’origine : français (Quebec)
Editeur :Denoel
Nombre de pages : 222
Date de parution : 2015


Résumé de l'éditeur:

Notre famille est l’émerveillement de ma vie et mon plus grand succès de conversation. Nous n’avons rien en commun avec personne, nous nous sommes bâtis avec notre propre souffle, nous sommes essentiels à nous-mêmes, uniques et dissonants, les seuls de notre espèce. Les petites vies qui ont papillonné autour s’y sont brûlé les ailes. Pas méchants, mais nous montrons les dents. Ça détalait quand une bande de Cardinal décidait de faire sa place.
– Mais combien étiez-vous donc?
La question appelle le prodige et je ne sais pas si j’arrive à dissimuler ma fierté quand je les vois répéter en chœur, ahuris et stupides :
– Vingt et un? Vingt et un enfants?
Les autres questions arrivent aussitôt, toujours les mêmes, ou à peu près : comment nous faisions pour les repas, comment nous parvenions à nous loger, comment c’était à Noël, à la rentrée des classes, à l’arrivée d’un nouveau bébé, et votre mère, elle n’était pas épuisée par tous ces bébés?
Alors je raconte… 

Mon avis:


J'ai reçu ce livre dans le cadre de la masse critique Babelio. J'ai hésité au moment de le cocher parmi les titres à choisir, ne le cochant finalement qu'au dernier moment...et j'ai bien fait! Je l'ai dévoré quasiment d'une traite, impatiente d'en savoir la fin!

Ce livre est ce que j'appelle un "livre puzzle": une histoire dont les pièces s'assemblent, chapitre par chapitre, attendant le tout dernier moment pour nous livrer la dernière pièce, celle qui complétera le puzzle et avec laquelle l'histoire prendra enfin tout son sens.

Roman polyphonique, il nous est narré par quelques membres d'une grande fratrie : 21 enfants! 21 enfants dont quelques uns prennent tour à tour la parole pour nous livrer un lourd secret de famille, un secret connu des uns et non des autres mais ressenti par tous, tu par chacun. Un secret étouffé, un secret dont les versions diffèrent selon les points de vue. un secret bien lourd à porter. Pourquoi les membres de cette famille ont ils si peu de contacts les uns avec les autres? Et qui est réellement au courant de ce terrible secret, ce fardeau si lourd à porter qui a conduit à l'éclatement d'une famille? 

Ce n'est que de chapitre en chapitre, de voix en voix, que le lecteur comprend réellement ce qu'il s'est passé, n'ayant le fin mot de l'histoire qu'au dernier moment. L'atmosphère est oppressante, douloureuse. On souffre pour certains personnages. 

On ne sait pas toujours, au début des chapitres, à qui appartient la voix qui raconte mais on le découvre au fil de ses mots. Cela peut paraître un peu confus au début: on ne sait pas quel personnage s'exprime et, de plus, chaque enfant de la famille a un prénom...et un surnom! Difficile de s'y retrouver au début. Et pourtant, j'ai aimé cette construction narrative qui ajoute une touche de mystère supplémentaire au roman. 

Les relations entre les différents membres de la famille sont étranges: parfois si dures, et d'autres fois si tendres. Parfois drôles, parfois cruelles.

L'écriture de l'auteur est belle, juste, profonde. On sent qu'elle maîtrise  parfaitement son histoire, on a l'impression que chaque mot est pensé, réfléchi, que rien n'est laissé au hasard.

La culpabilité, la rancœur, la douleur sont poignantes, présentes en presque chacun des personnages.

Il me tarde de lire un autre roman de cette auteur.

Extrait:

"J'ai d'ailleurs l'impression depuis le début du congrès que notre famille me fuit entre les doigts. Déjà dans le hall, quand ils sont arrivés les uns après les autres et qu'il y a eu un attroupement de Cardinal près de la réception de l'hôtel, j'ai senti un malaise, un glissement vers la fuite. J'ai aperçu LeGrandJaune et Yahou qui filaient en douce vers leur chambre.
Le malaise a pris de l'ampleur au fur et à mesure qu'il en est arrivé d'autres. Il y avait la joie des retrouvailles, certes, les éclaboussements des cris et des bourrades dans le dos, de belles retrouvailles comme je les avais espéré. Mais dans le regard de chaque nouvel arrivant, il y avait un éclair de panique quand il nous découvrait, si nombreux près de la réception. entre les cris et les bourrades, il y a eu d'autres désertions vers les chambres, d'autres glissements vers le bar ou le restaurant. nous n'étions plus que cinq à la réception de l'hôtel quand nos parents ont fait leur entrée.
J'ai l'impression de courir derrière des ombres fuyantes. Je vais de l'un à l'autre, je cours, je cherche, mais les ombres se faufilent, les groupes se  disloquent, et je me retrouve seul avec une conversation en suspens, mon âme entre les mains." 

6 commentaires:

  1. Entre deux chapitres et deux narrateurs, il y a une sorte de suite (une parole prononcée, etc), c'est drôlement bien fait.

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    1. C'est vrai, effectivement. Je trouve qu'il y a une grande maîtrise de l'écriture.
      Daphné

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  2. Tentant pour le sujet comme pour le style, je note !

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    1. Si en plus, c'est un auteur québécois, il va remonter encore plus vite les étages de ma PAL ! Merci !

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    2. Fais le remonter le plus vite possible, il en vaut la peine!
      Daphné

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  3. J'ai découvert Jocelyne Saucier il y a quelques années avec Il pleuvait des oiseaux. Ce roman m'a vraiment marqué et je le garde encore en mémoire (ce qui est plutôt rare en ce qui me concerne). Je te conseille d'ailleurs vivement cette lecture !
    Je n'ai donc pas hésité à lire ce nouveau roman, et là encore, je ne le regrette pas : un très beau récit, plein de sensibilité. J'ai hâte de découvrir les autres textes de cette auteure.

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